vendredi 30 mars 2007

New York Up and Down











Frank Horvat

Ce travail, qui fut mon troisième "projet d'auteur", appartient à la même période que Portraits d'Arbres et Vraies Semblances : en fait j'ai toujours considéré l'ensemble des trois comme une sorte de triptyque - bien que je n'aie jamais rencontré quelqu'un qui, les ayant vus en même temps, n'ait pas exprimé une très forte préférence pour l'un d'entre eux et un refus (plus ou moins avoué) pour un autre. Les appréciations varient bien sûr avec les goûts, mais personne ne semble percevoir - comme je le fais - une unité de vision entre les trois approches. Lire la suite

Vraies Semblances de Frank Horvat



Ce travail fut mon deuxième "projet d'auteur". Il est aussi, parmi tous mes travaux purement photographiques, celui qui a donné lieu aux plus fortes réactions émotionnelles des spectateurs, fussent-elles positives ou négatives. Son thème principal, bien sûr, sont les femmes et les émotions qu'elles suscitent. Presque toutes celles de cette série ont joué un rôle important soit dans ma propre vie, soit dans la vie d'une personne qui m'est proche. Chaque séance a demandé des semaines de préparation et plusieurs heures de prise de vue. Toutes restent dans mon souvenir comme des moments de grande intensité. Lire la suite

samedi 24 mars 2007

Larry Siegel : a life of photographs


Winding Staircase,
Portugal, 1978
by Larry Siegel

"Taking pictures was the first thing I really wanted to do. As a child of ten, I managed to save money to buy my first camera, a four dollar Falcon Miniature. I read as much as I could on photo technique at the public library and armed with tubes of MQ developer, hypo, a red bulb and my mother’s soup plates, went to the basement to try to develop my film. After a few failures, I got the hang of it and started to develop the small rolls of 127 film with their sixteen tiny images, my goal to as good as the drug store. By twelve I was making enlargements...
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Sans y prendre garde


Bernard Plossu, Mexico

«Il y a toute une gamme de degrés dans l'attention. Dans le même instant vous voyez grand nombre de choses, dans un crépitement, dont les unes sans y prendre garde, à peine entrevues, et comme obliquement, en angle frisant,
d'autres sur lesquelles votre regard s'est posé un peu plus perpendiculairement, un rien plus longtemps, peut-être.»
Dubuffet, Apercevoir

Robert Frank, Londres 1952


vendredi 23 mars 2007

The long and winding road...



"Ce n'est pas la modernité de Robert Frank qui m'impressionnait mais la subjectivité de sa démarche. Jusqu'à lui, les photographies étaient les miroirs d'une réalité qui était perçue dans sa vérité, plus ou moins exacte, plus ou moins distanciée. Les reporters, par définition rapportent des faits. Ils témoignent. Frank, lui, ne montre pas. Il se montre. Toutes ses images sont des autoportraits. Et par delà une composition qui frôle souvent le point de déséquilibre, on peut y lire l'espoir ou l'angoisse, la tendresse ou la hargne, La modernité de Robert Frank, elle est toute entière là, dans cette façon sincère, désarmante ou irritante qu'il a de s’exposer, tel qu'il est, où qu'il soit, quoi qu'il voit, et quoi qu'on puisse en penser," (Robert Delpire in Robert Frank, la photographie, enfin. Les cahiers de la photographie.)
Une étude sur Robert Franck ici et une galerie ici, un voyage à travers l'Amérique ici, téléchargez ici le petit film Pull my Daisy

Moonshine



Jitka Hanzlová

jeudi 22 mars 2007

William Casby, Born in Slavery, Louisiana, 1963





Richard Avedon

Richard Avedon





Noto, Sicile, 15 juin 1947

le site de Richard Avedon

John Weiss saint patron de la photographie


Pour tout savoir sur
The Patron Saint of Photography Award
Attention deadline : 27 avril

Bruce Davidson















“I don’t consider myself a documentary photographer - documentary photographer suggests you just stand back, that you’re not in the picture, you’re just recording. I am in the picture, believe me. I am in the picture but I am not the picture” Bruce Davidson

Des articles sur Davidson ici et ici. Des photos ici. Ecoutez-le parler de ses photos dans le métro ici.

Homme blanc, pas être triste




samedi 17 mars 2007

Where in the world but Britain?




Namibia? Perhaps Jordan? No, we're back to Yorkshire for this view of a lone and windswept tree in the Yorkshire Dales National Park.
Galerie du Guardian qui présente une dizaine de photos surprenantes de Joe Cornish

Miles Davis





This is a portrait of the fabulous Miles Davis; it first appeared in an advertising campaign and then in Individuals: Portraits from the Gap Collection which was selected as one of American Photo's Best Books in 2006.

vendredi 16 mars 2007

Chez Mondrian


















André Kertész

Francis Bacon vu par Bill Brandt






















Ce qui reste à faire est plus important que ce qui a été fait.

Man Ray





Darwin vu par Julia Margaret Cameron





La théorie de Darwin sur l’évolution par la sélection naturelle se fonde sur la compétition entre les jeunes de chaque espèce pour leur survie. Les survivants, qui donneront naissance à la génération suivante, possèdent les caractéristiques naturelles qui leur ont permis de survivre. Ces caractéristiques sont transmises à leur descendance, faisant de la nouvelle génération une génération mieux adaptée. Darwin établit donc les trois bases fondamentales de la théorie de l’évolution : depuis toujours la faune et la flore ont évolué, les lignées présentent d’innombrables variations de détails et, enfin, la sélection naturelle est si rigoureuse que la moindre variation utile fait triompher la lignée qui la possède.

lundi 12 mars 2007

Le roman expérimental





Eh bien ! En revenant au roman, nous voyons également que le romancier est fait d’un observateur et d’un expérimentateur. L’observateur chez lui donne les faits tels qu’il les a observés, pose le point de départ, établit le terrain solide sur lequel vont marcher les personnages et se développer les phénomènes. Puis, l’expérimentateur paraît et institue l’expérience, je veux dire fait mouvoir les personnages dans une histoire particulière, pour y montrer que la succession des faits y sera telle que l’exige le déterminisme des phénomènes mis à l’étude.
Emile Zola

les rivières indifférentes














Les rivières indifférentes
continueront à couler vers la mer
ou inonderont et détruiront les digues,
anciens ouvrages d’hommes déterminés.
Les glaciers continueront à raboter,
applanissant
ce qui repose au dessous d’eux,
ou ce qui soudainement tombe la tête la première
détruisant les arbres.
La mer captive entre
deux continents, continuera à lutter,
toujours avare de ses richesses.
Soleil, étoiles, planètes et comètes
continueront leur course,
la terre aussi vaincra les immuables
loin de l’univers.
Pas nous. Nous, descendance rebelle
d’une vive intelligence mais de peu de raison,
nous détruirons, souillerons,
toujours plus fébrilement.
Trè bientôt, nous étendrons le désert
jusque dans les forêts de l’Amazonie,
jusqu’au cœur de nos villes.
Jusque dans nos cœurs.
Primo Lévi, 1987

les mécanismes surnaturels


















Ne pas exercer tout le pouvoir dont on dispose, c’est supporter le vide. Cela est contraire à toutes les lois de la nature : la grâce seule le peut. La grâce comble, mais elle ne peut entrer que là où il y a un vide pour la recevoir, et c’est elle qui fait ce vide.
Simone Weil La pesanteur et la grâce

Je fais un rêve



Je rêve que, un jour, sur les rouges collines de Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d'esclaves pourront s'asseoir ensemble à la table de la fraternité.
Je rêve que, un jour, l'État du Mississippi lui-même, tout brûlant des feux de l'injustice, tout brûlant des feux de l'oppression, se transformera en oasis de liberté et de justice.
Je rêve que mes quatre petits enfants vivront un jour dans un pays où on ne les jugera pas à la couleur de leur peau mais à la nature de leur caractère. Je fais aujourd'hui un rêve !
Je rêve que, un jour, même en Alabama où le racisme est vicieux, où le gouverneur a la bouche pleine des mots "interposition" et "nullification", un jour, justement en Alabama, les petits garçons et petites filles noirs, les petits garçons et petites filles blancs, pourront tous se prendre par la main comme frères et sœurs. Je fais aujourd'hui un rêve !
Je rêve que, un jour, tout vallon sera relevé, toute montagne et toute colline seront rabaissés, tout éperon deviendra une pleine, tout mamelon une trouée, et la gloire du Seigneur sera révélée à tous les êtres faits de chair tout à la fois.
Martin Luther King, marche sur Washington, 28 août 1963

les travailleurs de la mer


La religion, la société, la nature; telles sont les trois luttes de l'homme. Ces trois luttes sont en même temps ses trois besoins; il faut qu'il croie, de là le temple; il faut qu'il crée, de là la cité; il faut qu'il vive, de là la charrue et le navire. Mais ces trois solutions contiennent trois guerres. La mystérieuse difficulté de la vie sort de toutes les trois.
Victor Hugo

samedi 10 mars 2007

Nous avions des femmes à foison



"Nous avions tout ce que le cœur peut désirer. Nous avions des femmes à foison, nous avions à boire, nous avions des tempêtes qui tourbillonnaient à une vitesse de quatre-vingt nœuds. Nous n'avions besoin de rien : merci, passez votre chemin ..." Bernard Kellermann La mer

C'est ça la vie



"C'est ça la vie, il y a les connus et les inconnus. Les connus tiennent à se faire reconnaître, les inconnus aimeraient le rester, et ça foire."
Daniel Pennac, La fée carabine, 1987.

August Sander




Gens du cirque, Cologne, 1927. D'autres photos sur le site de la Galerie Barry Singer

Rosalie Fay Barnes


D'autres photos de Irène Fay sur le site de la Galerie Barry Singer

Prisioneros del ritmo del mar














"... Por eso yo digo que la vida es incomprensible, que siendo tan dura esa vida en la mar uno se enamore de ella y no le guste hacer nada más..." Un pêcheur du barrio Panamá dans le port de Tumaco sur la côte Pacifique en Colombie (cité par Oscar Olarte Reyes in Fascículo Cali, 1987).

Minne

Véronique M. Le Normand n'aime pas du tout parler d'elle. Elle a longtemps été journaliste pour faire parler les autres et, depuis quelques années, elle se consacre uniquement à l'écriture. Quand elle écrit, elle se glisse entre les mots à la recherche d'une voix : voix d'enfants, d'adolescente ou encore, de gourmands. Depuis quelque temps, elle guette passionnément le moment où sa plume va croiser une voix de son âge.

vendredi 9 mars 2007

Le voyage infini de Julio Cortazar


"Le futur de mes livres ou des livres d'autrui est le cadet de mes soucis... Un véritable écrivain est quelqu'un qui tend l'arc à fond tandis qu'il écrit et qui le suspend ensuite à un clou pour aller boire un verre avec ses amis. La flèche est bien en route dans l'air, et se plantera ou non dans la cible; seuls les imbéciles pourront prétendre modifier sa trajectoire ou courir après elle pour lui donner de petites impulsions supplémentaires en lorgnant du côté de l'éternité..." cité par Karine Berriot in Julio Cortazar l'enchanteur (Presses de la Renaissance).

Une magnifique exposition a lieu en ce moment à la Maison de l'Amérique latine à Paris (jusqu'au 30 mars)
Le site de Julio Cortazar

jeudi 8 mars 2007

Voir de ses propres yeux













Cette photo est extraite de Mothers of Life (Elämän äidit), un documentaire exceptionnel de Anastasia Lapsui et Markku Lehmuskallio (Finlande 2002, 74 min). Filmographie

Anastasia Lapsui est Nénètse. Un peuple ‘sanguinaire’, ‘belliqueux’, ‘vivant dans des pays de demi nuit’ selon les anciennes chroniques russes médiévales. Des hommes qui glissent dans les berceaux une pierre ovale afin que leurs nouveaux-nés ne brisent pas le dos de la terre, qui demandent pardon à l'arbre dont ils arrachent une branche pour allumer leur foyer et qui font des offrandes à la terre qui les porte afin de nourrir l'esprit invisible des lieux. Née en 1944 dans une toundra du nord-ouest sibérien où nomadisaient ses parents renniculteurs, Anastasia a grandi entre deux mondes : russe et autochtone. Scolarisée à l'époque soviétique dans une lointaine école-internat à l'instar de plusieurs générations autochtones, elle n'a jamais oublié la violence de cette expérience qui lui a fait perdre momentanément la vue et qu'elle raconte ci-après. Aujourd'hui cinéaste en Finlande, Anastasia ne veut pas juger. Simplement, elle en rêve encore, comme tant d'autres femmes de la toundra.

Dominique Samson Normand de Chambourg


Voir de ses propres yeux

Des cheveux coupés. De jeunes cheveux d'un châtain très sombre tombent à terre.

Épais, longs, ils se déversent en un flot ininterrompu. Je les admire, les lance en l'air. Légers. Soyeux. Ils ne cessent de tomber, comme la neige une nuit de nouvel an, à l'infini. D'où proviennent autant de cheveux ?

J'ai tourné la tête, je veux regarder la source de ce torrent interminable. J'ai légèrement bougé, et cela m'a réveillé. Je n'en ai pas envie : que s'éternise cet instant magique. Ce sont mes cheveux. Pourquoi me les coupe-t-on? Pourquoi? La mémoire m'a soufflé que ce songe a surgi de mon enfance.

J'ai été emmenée à l'école-internat. Je ne comprends pas le russe. C'est la première fois que je suis dans une maison de bois, j'y étouffe. Des enfants courent, leur bruit résonne dans les murs; j'ai le sentiment que ces murs vont bientôt s'effondrer sous ce vacarme. Des petits de mon âge sont à côté de moi. Toutes les fillettes portent la même robe, les garçons sont vêtus comme des jumeaux. Nous faisons la queue pour être tondus. Afin que nous n'ayons pas de poux, nos petites têtes doivent être vierges de tout cheveu. La file d'attente s'amenuise toujours plus. Je ne reconnais pas ceux qui ont été rasés avant moi, qui est un garçon, qui est une fille. Je ne peux le deviner qu'à la tenue. Tous sont devenus chauves. Ils palpent leur crâne, certains dans un sourire, d'autres frappés de stupeur.

J'ai très peur de rester sans cheveux. Que dirai-je à maman? Elle ne me reconnaîtra pas parmi toutes ces têtes chauves. Elle aimait faire mes longues tresses, mon chant sur ses lèvres :

Ma fille aux longues tresses,
L'aînée de deux petits.
Ma fille aux longues tresses,
Aux épais cheveux
De la couleur sombre du cuivre.

Tandis que je me remémorais le chant qui me berçait, mon tour est arrivé.

Une éducatrice m'a assise sur une chaise. Celle-ci est si haute que mes jambes pendent dans le vide, à mi-hauteur des pieds de la chaise. Les bottes de feutre que l'on m'a données, trop grandes pour moi, glissent de mes pieds, bien qu'avec mes genoux je serre de toutes mes forces les grandes bottes l'une contre l'autre. Mes bottes s'échappent. Mes jambes sont trop courtes.

Je me suis couvert la tête de mes mains. L'éducatrice a brutalement retourné mes paumes, les a posées sur mes genoux. Les ciseaux émoussés ne peuvent venir à bout de mes nattes bien tressées, ils se heurtent dans un grincement à mes cheveux. Ensuite, toute ma vie, ce bruit me hanterait.

Sur le sol gisent mes deux tresses, jetées négligemment. J'ai glissé depuis la haute chaise. Je veux ramasser ces tresses inanimées. Mais d'un coup de pied, l'éducatrice les a envoyés dans un coin.

Le froid de la lame des ciseaux pénètre mon cœur, me transperce jusqu'aux talons.

J'ai commencé à avoir froid. Je ne suis qu'un tremblement. J'ai encore de nombreux cheveux. La tête me tourne, je suis prête à m'évanouir, des sueurs froides sur mon visage; à présent, je ne pense plus à mes pauvres cheveux, j'attends seulement d'être rasée au plus vite.

Enfin, l'éducatrice me fait descendre de ma chaise. Est-ce la faute des bottes trop grandes ou de mon affaiblissement, mais j'ai trébuché, et des larmes ont jailli de mes yeux, comme un ru. On n'a pas le droit de pleurer dans un internat, mais que puis-je faire si mon cœur pleure, si je n'ai pas la force de réprimer mes sanglots. Il faut pleurer sans bruit. Personne ne me prendra dans ses bras. Il y seulement des rires, et puis mon crâne nu que l'on caresse.

– Pourquoi pleures-tu, petite sotte ? Il t'en poussera d'autres cheveux. Regarde nous!

Tu n'auras pas de poux.

Des filles ou des garçons virevoltent la tête rasée. Je ne peux reconnaître personne. Je ne vois pas de visages, seulement des têtes chauves.

Je me suis approchée d'une glace, une femme aux cheveux gris m'y regardait. D'où venait-elle? Qui était-elle? Je tente de scruter, de découvrir les traces de cheveux cuivrés chez cette vieille femme. Mais rien. Où et qui es-tu, fillette aux cheveux de cuivre?

J'ai saisi les ciseaux de tailleur, j'ai coupé la franche hideuse, laissée au milieu du front, qui me rendait ridicule.

– Qu'as-tu fait? me demandent les miens.

– Je veux être à la mode.

Ceux qui n'ont jamais été rasés de force ne me comprendraient pas.

Anastasia Lapsui

Traduit du russe par Dominique Samson Normand de Chambourg

© Sigila, 2006
© Anastasia Lapsui, Dominique Samson Normand de Chambourg