mardi 2 janvier 2007

Creac'h au loin









Dans notre île, il n'y avait ni arbres ni buissons. Elle avait l'air d'une chaîne de montagnes tombée en ruines, et tout autour, les écueils râlaient dans le ressac. Mais nuit et jour il tonnait, écoute ! C'était la mer. Il ventait ; le vent criait continuellement, et quand un humain passait sur la lande, il ondoyait comme un drapeau en loques. A toute heure du jour et de la nuit, les mouettes stridaient. L'île et la mer leur appartenaient. Parfois l'île s'abîmait littéralement sous leur déchirant bruit de limes. Quand je nageais là-bas près des récifs, elles tendaient leurs têtes blanches, inquiètes ; il y en avait trois, cinq, dix, mais dès que j'approchais, il y en avait des centaines, des milliers. Elles tournoyaient en stridant, m'enveloppant domme un nuage grondant d'orage, et j'étais saisi d'une terreur mystérieuse, tant leur nombre était grand. Et souvent encore elles crient dans mes rêves.

Bernhard Kellermann La mer

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